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Libération : Les Rencontres de la photographie d’Arles 2022 seront sous le signe de la performance

Le président du festival a présenté ce mercredi le programme d’une édition qui signe le retour à la «normalité» après deux années contrariées, et alors que la guerre en Ukraine souligne l’importance des photographes. Au menu: un dialogue entre l’image et la performance.


par Clémentine Mercier

publié le 23 mars 2022 à 20h06


L’émotion était palpable ce mercredi au ministère de la Culture pendant la conférence de presse des 53es Rencontres de la photographie d’Arles, qui se tiendront du 4 juillet au 25 septembre. Après deux ans d’interruption – une année blanche pour le festival en 2020, une édition limitée en 2021 –, la traditionnelle messe déroulant le programme des réjouissances faisait son retour rue de Valois pour annoncer, enfin, une voilure «normale» du festival. C’est pourtant le regard tourné vers la guerre en Ukraine que tous les intervenants ont rappelé le rôle clé des photographes et l’importance de leurs images dans la construction des histoires individuelles et de l’Histoire tout court. Hubert Védrine, président des Rencontres, tout en annonçant solennellement «la fin de la mondialisation heureuse», s’est réjoui qu’à Arles, les échanges entre toutes les nationalités puissent encore se faire, malgré la formation de «nouveaux blocs». On retrouvera donc cet été au festival des Bouches-du-Rhône des photographes américains, russes, chinois, indien, jamaïcain, égyptien, marocain, sud-africains, ougandais, ghanéen, norvégien… Et surtout de nombreuses femmes photographes, ce que n’a pas manqué d’applaudir la ministre de la Culture. En ouvrant le bal, Roselyne Bachelot-Narquin s’est aussi félicitée de l’attention que le quinquennat Macron porte aux photographes, fragilisés par la crise sanitaire, via la grande commande publique pilotée par la BNF et la publication in extremis du rapport Franceschini. La ministre a promis qu’elle établirait avec ses équipes un calendrier concret de mise en œuvre des préconisations dudit rapport.

Peinture et spectacle vivant

Quant au programme des expositions, divulgué par le duo Aurélie de Lanlay, directrice adjointe, et Christoph Wiesner, nouveau directeur depuis 2020, il a tout pour être musclé, plasticien et alléchant. Pas moins de 40 expositions à Arles et 15 expositions hors les murs dans le cadre du Grand Arles Express (rejoint par 6 nouvelles institutions partenaires) sont annoncées – impossible de toutes les citer ici. Néanmoins, cette année, le festival semble creuser le sillon original des liens entre image et performance, sillon dans lequel se sont engouffrées des créatrices qui ont exploré les champs alternatifs à la peinture (médium squatté par les hommes dans les années 70). C’est ce que montrera la collection Verbund, venue de Vienne, dans laquelle figurent par exemple Cindy Scherman, Ana Mendieta, Martha Rosler… A l’affiche aussi, la photographe et cinéaste Babette Mangolte, témoin privilégiée de la scène chorégraphique new-yorkaise, et Susan Meiselas qui se lance dans un projet à quatre mains avec une musicienne.


Dans la veine de la performance, Noémie Goudal prendra ses quartiers dans une exposition à Arles avec un travail poétique sur le réchauffement climatique, mais aussi dans une performance à la Collection Lambert à Avignon, illustrant le rapprochement entre photographie et spectacle vivant souhaité par le festival. Autre femme puissante célébrée à Arles cet été : Lee Miller, qui n’est pas seulement la photographe de guerre qu’on connaît, autrice de clichés de Dachau et de Buchenwald, mais aussi une grande professionnelle de la publicité et du studio. En écho à l’urgence en Ukraine, le fonds photographique de la Croix-Rouge se déploiera au Palais de l’archevêché dans une exposition qui couvrira cent soixante ans d’aide humanitaire.

Nouveaux talents et stars du milieu

Beaucoup de talents à découvrir et des signatures connues sont attendus. La chinoise Wang Yimo, lauréate du Jimei x Arles Discovery Festival, nous transportera dans une usine désaffectée en Chine et Sathish Kumar dans le sud de son pays, l’Inde, qu’a aussi explorée l’Américain Mitch Epstein dans les années 80 en compagnie de son ex-femme, la réalisatrice Mira Nair. Arles annonce aussi des expositions de Bruno Serralongue, Léa Habourdin et Julien Lombardi. D’autres talents seront à découvrir : Frida Orupabo, Sandra Brewster, Romain Urhausen, Lukas Hoffmann (qui court après des anonymes avec sa chambre photographique), Julia Gat et Julien Gester (journaliste à Libération). On verra des stars du milieu : Paul Graham en tant que commissaire d’exposition, James Barnor au Luma, Joan Fontcuberta à Croisière, Tom Wood, Mathieu Pernot, Bernard Plossu, Klavdij Sluban, Thomas Mailaender à Marseille… On ressent aussi une grande curiosité, à l’heure qu’il est, pour Barbara Iweins, qui a photographié de façon méthodique et obsessionnelle les 12 795 objets de sa maison pendant deux ans. Il sera aussi question de nouvelles technologies, et plus précisément du cloud dans une exposition sur les nuages, de réalité augmentée, de métavers et, bien sûr, de NFT (avec Fisheye). Impossible, à vue de nez, de s’ennuyer à Arles cet été.