FishEye: Prix Polyptyque : récits photographiques entre errances et queerness

Jusqu’au 25 février, découvrez les lauréat·es du Prix Polyptyque, visant à mettre à l’honneur la scène photographique marseillaise. Julia Gat, Andrea Graziosi et le duo Jeanne et Moreau remportent cette édition, chacun·e exprimant un rapport aux identités et aux cultures du Sud, traversées de mysticisme, queerness et récits intimes.

Fondé en 2018, le Prix Polyptyque entend témoigner de la richesse de la scène photographique marseillaise et de la Région Sud. Organisé par le Centre Photographique de Marseille à l’occasion du salon éponyme, ce prix sonde les tendances visuelles actuelles et révèlent des langages artistiques novateurs, riches et ouverts sur le monde. Par le choix de ses artistes, Polyptyque donne libre cours à des visions du monde queers, défiant les normes et poussant le médium dans ses retranchements. L’été dernier, ce sont onze artistes locaux qui ont été exposé·es à Marseille. Et parmi elleux, trois lauréat·es ont été désigné·es : Julia Gat, Andrea Graziosi et le duo Jeanne et Moreau. Des artistes dont les œuvres sont désormais accrochées à la galerie Sit Down à Paris, partenaire de cette cinquième édition.

Chacun·e de ces photographes exprime à sa manière une relation intime, charnelle et politique avec le sud, tantôt par le récit des diasporas et des errances, tantôt par le mysticisme et les histoires familiales. Ainsi, Julia Gat crée une narration photographique à travers des images de son quotidien. Les paysages méditerranéens croisent les membres de sa famille et accompagnent ce récit autobiographique subtil, témoignage d’un passage entre enfance et âge adulte.  Andrea Graziosi, quant à lui, explore la Sardaigne profonde à travers ses rituels ancestraux et ses mystères. Dans Animas, il tire le portrait des masques traditionnels d’animaux utilisés par les habitant·es de la Barbagia lors d’anciens cultes à la croisée de l’humain et de ce que la nature a de plus brutal.

Jeanne et Moreau : archive d’une histoire d’amour

Outre les travaux de Julia Gat et d’Andrea Graziosi, l’exposition nous plonge dans l’univers captivant de Jeanne et Moreau, qui donnent libre cours à leurs identités, et à une relation vécue à distance, entre moult errances et bouquets de fleurs. Dans Will you be angry at me if I keep bleeding each time, le couple de photographes sonde leur expérience de la queerness en replongeant dans leur propre histoire d’amour. Un travail accompagnant leur couple en temps réel depuis 2018, et questionnant le rapport qu’iels entretiennent aux technologies numériques, à la photographie et au contexte de transmission et de production des images. En fouillant dans cette banque de photographies communes, tous·tes deux s’interrogent sur les liens qui rendent l’intime politique et abordent l’épineux sujet de la place des artistes queers dans les arts. Mais ce projet au long cours se lit aussi comme une quête de place dans le monde après que l’explosion du port de Beyrouth en 2020 a ravagé leur maison. Sans domicile fixe, iels commencent à immortaliser les bouquets de fleurs improvisés qui ornent leurs espaces de vie éphémères. Des compositions évoquant à la fois des memento mori et des métronomes rappelant leur permanence dans un lieu. Un album photographique réunissant l’archive d’un amour, mais aussi celle d’une pérégrination, d’une errance faite d’instants flottants et de souvenirs sans cesse renouvelés.